Agile : de l’autonomie à la solitude

Dans notre R&D passée en « mode Agile », la fonction de « chef de projet » a disparu; mais « les choses qui fâchent » – et qui mettent la pression, sont toujours les mêmes : budget et délai. La méthode Agile a-t-elle amélioré l’efficacité et la qualité de vie des équipes sur ce point ? Vos élus Cfdt ont posé cette question au CSE de Grenoble, le mois dernier.

L’ambition d’Agile vers l’autonomie était forte, comme en témoigne cet extrait issu du rapport présenté par la direction, sur la prévention des risques psycho-sociaux : « Une évolution vers plus d’autonomie, et d’auto-organisation : il reviendrait aux membres des squads d’acquérir plus de responsabilité pour évaluer et anticiper leur propre temps d’exécution, charge de travail et mode d’organisation ». Chiche ?

Dans les faits, il semble plutôt que la prise de décision soit encore plus verticale qu’avant : le responsable de ligue définit budgets et délais; le PO (Product Owner) hérite du challenge, mais sans pouvoir ajuster l’équipe par appel à ressources comme précédemment. En effet, les squads sont supposées « à capacité fixe ». Alors, équation insoluble ?

 

« C’est le contenu qui apporte de la flexibilité, pas le délai » : la réponse de la direction est claire et simple. Vous ne pouvez pas finir le boulot dans le délai ou dans le budget ? Faites-le à moitié, c’est réglé : ce sera « un incrément » dans le jargon officiel.

Pour la Cfdt, cette position tient de la langue de bois. Pour la plupart de nos produits électromécaniques, l’incrément est un mythe. Livrer un produit qui ne tient pas les performances attendues, est-ce vraiment envisagé ? Ou bien, seulement la moitié des pièces ? Cela d’autant plus que la majorité des squads gèrent des sous-ensembles intégrés par d’autres squads, ce qui impose aussi le délai…

 

La direction a également confirmé que toutes les règles de l’OCP (Offer Creation Process) restent applicables (bien qu’obsolètes par endroit, comme les audits qualité). Agile n’a pas non plus fait disparaître les « Steering Comity », directoires qui décident des projets. Alors, finalement, qu’est-ce qu’Agile aura modifié à notre gouvernance de création d’offre ?

Pour la Cfdt, le risque aujourd’hui est qu’Agile produise une forme de déresponsabilisation du management, sur le mode : « je décide de tout, budget, délais, format d’équipe, et vous vous débrouillez ! » De fait, la réalité est bien loin du discours sur l’autonomie, qui demanderait un processus d’évaluation et de négociation collective, avec une voix de la squad qui ne soit pas subordonnée directement au responsable de ligue.

En termes de risques psycho-sociaux, le monde idéal présenté avec Agile fait plutôt craindre aujourd’hui que le lampiste en bout de chaîne, « membre de la squad » sans autres prérogatives, ne porte demain toute la pression des budgets et délais !

Et vous, comment vivez-vous votre « autonomisation » vis-à-vis des délais et des budgets ? N’hésitez pas à contacter vos élus Cfdt si vous êtes en difficulté.